Dans le cadre de la concertation sur l’avenir de l’incinérateur de Toulouse, le syndicat DECOSET qui en assure la gestion a publié un dossier détaillant les 3 solutions envisagées (rénovation/reconstruction/statu quo). En tant que syndicat de traitement, DECOSET considère que son rôle consiste uniquement à gérer les déchets produits par ses collectivités adhérentes (dont Toulouse Métropole est de loin la principale) mais qu’il n’a pas le pouvoir d’agir sur la production de ces déchets en eux-mêmes. C’est pourquoi le dossier de concertation se borne à expliquer comment poursuivre la politique de gestion des déchets actuelle avec un incinérateur sensiblement identique (qu’il soit rénové ou reconstruit) sans jamais évoquer sérieusement la possibilité d’une réduction importante des quantités de déchets et donc des besoins en capacité d’incinération.

Voyons ensemble en quoi est-ce que c’est problématique.

Trajectoire de réduction des déchets

Afin d’estimer ses besoins en capacité d’incinération dans le futur, le syndicat DECOSET a réalisé une étude prospective prenant en compte l’évolution de la démographie et de la production de déchet sur son territoire. Il a ainsi été estimé que la production de déchets pourrait passer de 251 kg/hab./an en 2020 à 183 kg/hab./an en 2050, soit une diminution de -27% en 30 ans. Comme l’évolution prévue pour la population est une augmentation de +26% à +36% sur cette période, DECOSET aboutit ainsi à une stagnation voire une légère augmentation des besoins en capacité d’incinération à l’horizon 2050.

Le point crucial ici est bien le ratio estimé de production de déchet en 2050. Selon que l’on se fixe des objectifs ambitieux ou non, ce ratio sera plus ou moins élevé et donc les besoins en capacité d’incinération également. Or, même si DECOSET considère que 183 kg/hab./an en 2050 correspond à une politique de « prévention renforcée », ce ratio est en réalité tout sauf ambitieux. Il correspond en effet à la quantité de déchet produite sur les métropoles de Rennes (1) ou Grenoble (2) en…2019 ! En se fixant ce niveau de production de déchets comme objectif pour 2050, DECOSET reconnait implicitement avoir plus de 30 ans de retard dans sa politique de réduction de déchets par rapport à ces métropoles.

Si celles-ci ont d’aussi bons résultats ce n’est pas le fruit du hasard mais d’une vraie politique de réduction des déchets qui se manifeste à travers les moyens alloués et les objectifs fixés. Ainsi la part du budget déchet qui est orientée vers la prévention par ces deux métropoles est supérieure à 2% alors qu’elle n’est que de 0.6% pour Toulouse Métropole. C’est-à-dire que, comparativement à leur taille, elles dépensent au moins 3 fois plus de budget pour la prévention des déchets que Toulouse. De plus elles se sont fixées toutes les deux des objectifs ambitieux de réduction des OMR pour 2030 à travers des plans stratégiques spécifiques : 152 kg/hab./an (soit -15%) pour Rennes à travers sa stratégie 2022-2030 (3) et même 102 kg/hab./an (soit -32%) pour Grenoble grâce à son Schéma Directeur Déchets 2020-2030 (4).

Taux de valorisation

Le dossier de concertation de DECOSET liste les obligations réglementaires qui s’imposent au syndicat en termes de réduction et valorisation des déchets pour les années à venir. Il est malheureux que ne soit pas mentionné à cette occasion l’obligation de 55% de réemploi et recyclage des déchets municipaux en 2025 issue de la loi AGEC, objectif qui passera à 65% en 2035. Il est également fort dommage que DECOSET ne rappelle pas non plus son taux de recyclage actuel qui est passé de 32% en 2015 à 34% en 2020 (5).

Au rythme actuel le taux de recyclage sur le territoire du syndicat devrait être de 47% en 2050. Comme le rappelle la Chambre Régionale des Comptes d’Occitanie dans son rapport récent : « Décoset semble difficilement en mesure d’atteindre ces objectifs, compte-tenu des retards pris dans les études stratégiques. »

Taux de recyclage

Afin de se mettre en conformité avec ses obligations de valorisation des déchets inscrits dans la loi, DECOSET devrait quasiment doubler son taux de recyclage (et donc diviser quasiment par deux son taux d’incinération) d’ici 2035. Il semble très peu probable que le scénario de réduction des déchets prévu par DECOSET dans son dossier de concertation lui permette d’atteindre cet objectif, ce qui nous paraît inacceptable. Le syndicat ne peut pas s’affranchir de ses obligations et doit donc apporter la preuve que les trajectoires de réduction des déchets envisagées sont bien compatibles avec la réglementation en vigueur.

Planification stratégique

Pour construire son scénario d’évolution de la production de déchets, DECOSET se base sur les trajectoires d’évolution prévues dans les divers Plans de Prévention des Déchets (PLPDMA) de ses collectivités adhérentes qui arrivent tous à échéance d’ici 2027. Le PLPDMA de Toulouse Métropole par exemple arrive à échéance en 2024 (6) et pour l’instant aucune stratégie n’a été définie au-delà de cette date. Or DECOSET a construit ses scénarios à horizon 2050 en se basant uniquement sur ces plans.

Il nous parait particulièrement hasardeux d’engager des centaines de millions d’euros dans la construction d’un outil industriel dont les hypothèses de dimensionnement sont issues de réflexions stratégiques aussi minces.

Dans d’autres domaines pourtant, la Métropole de Toulouse est tout à fait capable de réflexions stratégiques à long terme. Elle a ainsi mis en place un Schéma Directeur des Energies à horizon 2030 et 2050 (7), un Schéma Directeur d’Alimentation en Eau Potable (8) (avec un programme d’investissements d’un montant de 307 M€ HT pour la période 2017-2035) ou bien un Schéma Directeur Cyclable d’Agglomération (9) (doté d’un budget de 509 M€ à horizon 2030).

Il nous semble ainsi indispensable que toute décision concernant l’avenir de l’incinérateur soit conditionnée à l’adoption par les collectivités adhérentes à DECOSET d’un Schéma Directeur des Déchets à horizon 2050 explicitant les mesures qu’elles comptent mettre en place (et les moyens financiers correspondants) pour respecter a minima leurs obligations réglementaires.

Conclusion

Le dossier de concertation publié par DECOSET montre bien que les élu-es toulousain-es n’ont aucune intention d’infléchir la politique pro-incinération qui a été celle de la Métropole jusqu’à présent. Si rien n’est fait il est quasiment sûr que l’incinérateur sera reconduit à l’identique.

La concertation en cours sur l’avenir de l’incinérateur est l’occasion pour chacun-e de nous de donner son avis sur la politique de gestion des déchets actuelle menée par les collectivités adhérentes à DECOSET et par le syndicat lui-même et essayer ainsi d’infléchir cette position.

Si vous souhaitez faire avancer le sujet de la réduction des déchets, nous vous encourageons à participer aux différentes réunions qui vont être organisées prochainement, mais également à vous rendre sur le site Internet de la concertation pour y donner votre avis.