Les intercommunalités sont responsables de la prévention et gestion des déchets produits par les habitant·es sur leur territoire. La Métropole de Toulouse collecte donc les déchets des Toulousain·es mais a choisi de déléguer leur traitement au syndicat de déchets DECOSET. Peu connu du grand public, celui-ci gère cependant un grand nombre d’unités de traitement de déchets dont les deux incinérateurs de Toulouse et Bessières. Alors qu’une concertation publique va bientôt être organisée sur l’avenir de l’incinérateur de Toulouse, nous souhaitons apporter un peu d’éclairage sur le fonctionnement de ce syndicat en nous appuyant notamment sur le rapport qui vient d’être publié par la Chambre Régionale des Comptes d’Occitanie à son sujet. (1)
Organisation
Le syndicat mixte Decoset a été créé en 1993 avec pour vocation la mise en place d’une filière optimale de traitement et de valorisation des déchets ménagers sur son territoire. Decoset exploite des centres de transfert et de tri, des plateformes de compostage, des déchèteries et les deux usines d’incinération de Toulouse et de Bessières. A sa création en 2009, la Métropole de Toulouse a choisi de déléguer le traitement de ses déchets au Syndicat Decoset qui regroupe au total 8 EPCI (2) et environ un million d’habitant·es, soit quasiment tout le nord de la Haute-Garonne.
Figure 3 : Territoire de Decoset et de ses 8 EPCI adhérents (Source : rapport DECOSET 2020)
Gouvernance
Le syndicat DECOSET est un établissement public administré par des élu·es locaux·les désigné·es par les EPCI adhérents. Un comité syndical composé de 32 élu·es adopte des délibérations et prend des décisions en matière de valorisation et de traitement des déchets. Le comité syndical se réunit de 3 à 5 fois par an. En 2020, les élections municipales ont entrainé un renouvellement des conseils municipaux et des conseils communautaires des 8 EPCI adhérents (les 6 communautés de communes, la communauté d’agglomération du Sicoval et la Métropole). Le comité syndical est présidé depuis juin 2020 par Vincent Terrail-Novès, Maire de Balma, 3ème vice-président de Toulouse Métropole en charge de la gestion des déchets.
Tableau 1 : Gouvernance de DECOSET (Source : rapport DECOSET 2020)
En 2020, Toulouse Métropole représentait 80 % des habitant·es du territoire de DECOSET et jusqu’à 84 % des tonnages incinérés par les deux incinérateurs gérés par le syndicat. De plus, les élu·es de la Métropole disposent de la moitié des sièges et de 66 % des voix au sein du Conseil Syndical et le président de DECOSET est également vice-président en charge de la gestion des déchets à la Métropole. (3) Dans les faits ces deux établissements publics sont donc étroitement liés et la Métropole de Toulouse a le pouvoir de faire appliquer la politique de traitement des déchets qu’elle désire.
Activités
Le territoire de Decoset est composé de 2 zones. La zone A, historiquement composée des EPCI extérieurs à Toulouse Métropole mais également des communes de Toulouse Métropole qui lui avaient délégué la compétence traitement des déchets avant la création de la communauté urbaine en 2009 (33 communes sur les 37 communes de Toulouse Métropole). La zone B concerne uniquement les communes de Toulouse, Blagnac, Cugnaux et Villeneuve Tolosane qui, avant 2009, n’adhéraient pas à Decoset.
Ce découpage historique continu à avoir un impact sur son activité puisque les ordures ménagères résiduelles produites sur la zone A sont envoyées à l’incinérateur de Bessières alors que celles produites sur la zone B sont envoyées à l’incinérateur de Toulouse.
Tableau 1 : Gouvernance de DECOSET (Source : rapport DECOSET 2020)
Les différents équipements gérés par Decoset sont les suivants :
- 2 Incinérateurs :
- Incinérateur de Bessières : d’une capacité de 170 000 tonnes/an jusqu’en 2017 puis 192 000 tonnes/an à compter de 2017 jusqu’en 2023, cet incinérateur traite l’ensemble des Ordures Ménagères Résiduelles (OMR) de la zone A de DECOSET. Il est exploité en Délégation de Service Public (DSP) par la société ECONOTRE (filiale de SUEZ).
- Incinérateur de Toulouse : il dispose d’une capacité maximale autorisée de 330 000 tonnes/an mais sa capacité technique réelle est actuellement limitée à 285 000 tonnes/an. Exploité en DSP par la société SETMI (filiale de VEOLIA), il reçoit l’ensemble des OMR des communes de la zone B.
Incinérateurs de Toulouse et de Bessières
- 2 Centres de tri (Bessières et Toulouse) :
- Centre de tri de Bessières : exploité en DSP par Econotre pour Decoset. Capacité 30 000 tonnes/an.
- Centre de tri de Toulouse : exploité en régie par Toulouse Métropole. Capacité 25 000 tonnes/an. À compter du 1er janvier 2024, Decoset reprendra la gestion de ce centre de tri.
Centres de tri de Toulouse et de Bessières
- 21 Déchèteries (13 en zone A et 8 en zone B) :
- 13 déchèteries zone A : gérées en prestation (marché public de services) par Decoset. Production annuelle d’environ 87 000 tonnes (2020).
- 8 déchèteries dont 1 déchèterie professionnelle sur la zone B : 7 gérées en régie par Decoset depuis le 01/01/2021 (avant par Toulouse Métropole) et 1 en marché de prestations. Production annuelle de 15 000 tonnes environ.
Déchèterie de Plaisance-du-Touch avec sa zone de réemploi
- 5 Centres de transfert (4 en zone A et 1 en zone B) :
- 4 Centres de transfert, répartis sur le territoire de la zone A, exploités en DSP par Econotre.
- 1 centre de transfert en zone B, à Toulouse, géré en régie par Decoset depuis le 01/01/2021 (avant exploité par Toulouse Métropole).
Centres de transfert de Belberaud et de Colomiers
- 2 Plateformes de compostage (Léguevin et Toulouse Daturas) :
-
- 1 plateforme à Léguevin : exploitée en DSP par Econotre. Capacité de 8 000 t/an.
- 1 plateforme à Toulouse (Daturas) : exploitée en régie par Decoset depuis le 01/01/2021 (avant par Toulouse Métropole). Capacité de 15 000 t/an.
Plateformes de compostage de Léguevin et de Toulouse Daturas
Origine des déchets incinérés
L’incinération des déchets est le principal mode de traitement des déchets gérés par le syndicat DECOSET puisque, sur les 431 000 tonnes de déchets valorisés et traités par le syndicat en 2020, 70 % l’ont été par valorisation énergétique, soit 302 000 tonnes. (4)
Par ailleurs, l’étude des deux rapports d’activité 2020 des incinérateurs de Toulouse et de Bessières nous apprend que la répartition des déchets entrants est la même entre les deux incinérateurs, avec 60 % des déchets qui proviennent des ménages et assimilés toulousains, 16 % des activités économiques et 25 % de collectivités extérieurs au territoire de DECOSET.
A strictement parler, seuls environ 300 000 tonnes relèvent donc effectivement de la compétence du syndicat, les 180 000 autres tonnes pourraient ne pas être pris en charge par DECOSET, charge aux producteur·ices de ces déchets de trouver un moyen de les traiter.
Figure 16 : Origine des déchets traités sur les deux incinérateurs gérés par DECOSET.
De plus cette part de déchets provenant de l’extérieur du territoire du syndicat est en augmentation sur les dernières années, principalement en raison de l’augmentation de 24 000 tonnes de la capacité autorisée sur l’incinérateur de Bessières. Cette surcapacité d’incinération permet aux deux opérateurs SUEZ et VEOLIA d’augmenter leurs recettes qu’ils reversent en partie à DECOSET sous forme d’une redevance d’utilisation du vide de four, ce que la CRC relève dans son rapport : « Les deux délégataires utilisent les installations de DECOSET pour traiter toujours plus d’apports extérieurs ».
Le syndicat invoque le principe de solidarité pour continuer à vendre toujours plus de capacité d’incinération à des collectivités qui ne disposent pas d’autres solutions à proximité. Dans les faits cette justification paraît donc un peu hypocrite, DECOSET donnant plus l’impression de se comporter comme une entreprise cherchant à améliorer ses recettes en profitant de sa situation de monopole puisqu’il dispose de la quasi-totalité des capacités d’incinération de l’ex-région Midi-Pyrénées.
Decoset et la prévention des déchets
Toulouse Métropole a délégué sa compétence traitement des déchets à DECOSET de même que les 7 autres EPCI adhérents. Ce syndicat de traitement des déchets gère donc des unités de traitement comme l’incinérateur et les centre de tri, mais également les 21 déchèteries du territoire.
Comme il n’assure pas la collecte des déchets, le syndicat DECOSET considérait jusque récemment que la prévention des déchets ne relevait pas de sa compétence et a donc pris beaucoup de retard dans ce domaine. Des efforts ont cependant été effectués ces dernières années puisque le budget alloué à la prévention des déchets par le syndicat est passé de 9 000 € en 2015 à 168 000 € en 2019 (5), efforts à relativiser puisque cela ne représentait que 0,3 % de son budget en 2019.
Or, dans l’absolu, rien n’empêche DECOSET de mener une politique de prévention des déchets beaucoup plus ambitieuse. Le SYTEVOM est un syndicat de traitement des déchets de Bourgogne Franche Comté qui joue, lui, un rôle moteur dans le domaine de la prévention des déchets et de l’économie circulaire auprès de ses 11 EPCI adhérents. Cette recherche permanente d’une valorisation optimale des déchets a commencé en 2007, lorsqu’il y a eu un débat sur un projet de création d’une deuxième ligne d’incinération. Un élu syndical, Franck Tisserand, avait alors défendu un projet alternatif de politique volontariste orientée vers la réduction des déchets et la création de nouvelles filières. Sous son mandat des actions phares ont pu être menées, avec notamment la mise en place de la redevance incitative, le tri à la source des biodéchets, le broyage des déchets verts ou encore le réemploi. Cette volonté politique forte s’est manifestée dans l’augmentation des moyens alloués à la prévention puisque le syndicat y consacre 468 000 € par an soit 3 fois plus que DECOSET malgré un budget 2.5 fois plus faible (19 millions d’euros en 2020). (6) Ces efforts ont été payants puisque la production d’OMR a été divisée par 2 depuis 2007, passant de 260 à 127 kg/hab./an.
Le SYTEVOM apparaît ainsi comme un acteur clé « surplombant » dans une étude récente de l’ADEME qui cherche à identifier les clés du succès des territoires avec les meilleures performances de réduction des déchets en France. (7)
Performance environnementale
La Chambre Régionale des Comptes d’Occitanie a dressé un bilan des activités du syndicat en 2022 et notamment de ses performances environnementales au regard des objectifs réglementaires. Ce bilan est résumé dans le tableau suivant :
- Le syndicat aurait dû réduire la quantité de déchets ménagers et assimilés (DMA) produite par chaque habitant·e de 10% en 2020 par rapport à 2010 et de 15% en 2030 par rapport à 2010. En 2019 cette diminution n’était que de 3%.
- Le syndicat devrait traiter par recyclage (ou compostage) 55 % des DMA en 2025 et 60 % en 2030. En 2019 il ne recyclait que 34 % des déchets collectés sur son territoire.
En ce qui concerne les autres objectifs réglementaires, on peut noter qu’un « un retard dans la mise en œuvre de l’extension des consignes de tri peut être observé ». En effet le nouveau centre de tri ne sera pas construit avant 2025 (3 ans après l’échéance réglementaire) et d’ici là les emballages plastiques supplémentaires seront exportés vers d’autres centres de tri (8).
De la même manière, l’ensemble des habitant·es du territoire de DECOSET devrait disposer d’une solution de tri à la source des biodéchets en 2024. Etant donné que plus de 80% des DMA du territoire sont produits par les habitant·es de la Métropole de Toulouse et que le plan biodéchets de cette dernière n’est pas à la hauteur en termes de délais ou de moyens (9), cette obligation ne pourra pas non plus être respectée.
La Chambre Régionale des Comptes d’Occitanie résume ainsi la situation : « Le niveau de performance environnementale du syndicat est donc insuffisant au regard des objectifs règlementaires » (10).
De manière générale, le syndicat DECOSET semble reconnaitre ses manquements et retards et indique qu’il « a conscience de la nécessité de renforcer très significativement le budget consacré à la prévention et à l’accompagnement au changement des comportements » (11).
Schéma stratégique et concertation publique
Afin de remédier à ces déficiences et rattraper son retard, le syndicat DECOSET a lancé une réflexion sur son futur schéma stratégique qui définira la politique à suivre sur les deux prochaines décennies en termes de prévention, réemploi, recyclage et au-delà, sur l’ensemble des principes de l’économie circulaire. Cette étude doit permettre à Decoset de définir et dimensionner ses filières de valorisation en adéquation avec les quantités susceptibles d’être collectées sur son territoire à moyen et long terme, et en cohérence avec le PRPGD d’Occitanie-Pyrénées-Méditerranée.
L’incinérateur de Toulouse étant la principale unité de traitement du syndicat en termes de capacité, il aura évidemment un rôle majeur dans le futur schéma stratégique, d’autant plus qu’une réflexion va également être engagée sur sa fin de vie prochainement (12).
Ces deux démarches auront une incidence majeure sur la politique de prévention et de gestion des déchets de l’ensemble de l’agglomération toulousaine sur les prochaines décennies. Nous serons pleinement engagés dans les phases de concertation de ces deux projets afin de nous assurer de leur niveau d’ambition et de la bonne prise en compte des demandes des citoyen·nes.
Conclusion
A l’image de la majorité des acteurs des déchets sur l’agglomération toulousaine, le syndicat DECOSET ne s’attachait, jusqu’il y a peu, qu’à gérer les déchets collectés par ses EPCI adhérents, sans chercher à en réduire la quantité ni à en diminuer les impacts. La prise en compte tardive et encore trop timide de ses obligations réglementaires en termes de réduction et valorisation des déchets ne lui permet pas d’atteindre un niveau de performance environnementale satisfaisant. La volonté affichée de s’engager dans un schéma stratégique orienté vers l’économie circulaire couplé à la concertation publique sur la fin de vie de l’incinérateur de Toulouse pourrait fournir l’opportunité d’un vrai virage dans la politique de gestion des déchets actuelle. Cependant, étant donné que la majorité des déchets traités par le syndicat sont collectés par la Métropole de Toulouse, il sera nécessaire qu’elle aussi s’engage dans cette voie pour espérer que cette nouvelle orientation soit plus qu’un effet d’annonce.
(1) (5) (10) Rapport d’observations définitives Syndicat mixte Décoset (Haute-Garonne), Chambre Régionale des Comptes Occitanie, 2022
(2) Etablissement Public de Coopération Intercommunale : modalités de coopération entre les communes leur permettant de se regrouper afin de gérer en commun des équipements ou des services publics (ramassage des ordures ménagères, assainissement, transports urbains…), élaborer des projets de développement économique, d’aménagement ou d’urbanisme à l’échelle d’un territoire plus vaste que celui de la commune. Les EPCI regroupent des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des communautés urbaines, des métropoles et des syndicats de communes.
(3) (4) Rapport annuel d’activité du service public de prévention et de gestion des déchets, DECOSET, 2020
(6) Rapport annuel d’activité 2020, SYTEVOM
(7) Territoires pionniers de la prévention des déchets, ADEME, 2020
(8) « Nous serons prêts pour 2023 » : La Haute-Garonne à la traîne en matière de tri sélectif, Le Parisien, 6 janvier 2022
(9) Les biodéchets des toulousain·es, site internet Zero Waste Toulouse, 2021
(11) Syndicat mixte Décoset (Haute-Garonne) Réponse partie 3, Chambre Régionale des Comptes d’Occitanie, 2022
(12) La rénovation/reconstruction de l’incinérateur de Toulouse, site internet Zero Waste Toulouse, 2022