Construit en 1969, en même temps que le quartier du Mirail, l’incinérateur de Toulouse a plus de 50 ans et va bientôt arriver en fin de vie. Le syndicat de traitement des déchets DECOSET qui gère l’incinérateur étudie un projet de rénovation ou de reconstruction du site pour un montant compris entre 150 et 400 millions d’euros. Etant donné le coût du projet, une concertation publique va être menée à la fin de l’année sous l’égide du Conseil National du Débat Public afin de recueillir la position des différentes parties prenantes sur le sujet. Nous pensons que ce projet est une occasion unique de revoir l’ensemble de la politique de gestion des déchets de la Métropole de Toulouse.

Histoire

Construit à l’origine à l’extérieur de la ville, en pleine campagne, l’incinérateur de Toulouse s’est vu progressivement intégré dans le tissu urbain avec l’étalement de l’agglomération toulousaine. Propriétaire de l’incinérateur, la ville de Toulouse en a ensuite confié l’exploitation et l’entretien à la Société d’Exploitation Thermique du Mirail (SETMI), qui est une filiale de Veolia créée spécifiquement afin de gérer cette délégation de service public (DSP) pour une durée de 14 ans entre 2007 et 2021. (1)

Flux de matières

Le syndicat de traitement des déchets DECOSET qui regroupe Toulouse Métropole, le Sicoval et 6 autres communautés de communes du nord Toulousain assure le traitement des déchets de toutes ces collectivités. Sur les 284 000 tonnes envoyées à l’incinérateur de Toulouse en 2020, 59 % provenaient de Toulouse Métropole et 24 % d’autres collectivités en dehors de DECOSET, le reste venant directement des entreprises (15%) ou des centres de soins (2%) (2). L’incinération ne faisant pas disparaître la matière, l’intégralité des matières entrantes en ressort sous forme de rejets liquides, solides ou (majoritairement) gazeux. Les principaux rejets sont le CO2, pour 230 000 tonnes et les mâchefers pour 56 000 tonnes.

Place de l’incinérateur dans la gestion des déchets de la Métropole de Toulouse

La question de l’incinération des déchets est évidemment indissociable de la question de leur production. En tant qu’unité de traitement de déchet, les incinérateurs sont encore nécessaires, à l’heure actuelle, pour traiter les quantités de déchets produites. Mais un certain nombre d’obligations réglementaires s’appliquent qui devraient normalement faire de l’incinération, même avec valorisation énergétique, une solution de dernier recours, une fois que tout a été mis en œuvre en amont pour recycler les déchets, pour les réemployer ou les réparer, mais surtout pour éviter de les produire. (3)

Or l’incinération reste actuellement le principal mode de traitement des déchets sur l’agglomération toulousaine alors que dans le même temps les objectifs de valorisation actuels ne sont pas atteints et il est à craindre que les échéances à venir ne soient pas non plus respectées. L’évolution démographique est un argument récurrent de la Métropole pour expliquer ces mauvaises performances mais le très grand nombre d’agglomérations ayant mis en place des programmes exemplaires de réduction de leurs déchets montre que l’on a surtout affaire ici à un manque de volonté politique.

L’incinération des déchets a toujours offert un moyen facile de faire « disparaître » les déchets tant qu’on ne se souciait pas trop des ressources qui étaient ainsi détruites et que l’on n’était pas trop regardant sur les rejets générés. De plus la valorisation énergétique de la chaleur produite à travers les réseaux de chaleur urbains de Toulouse permet de tirer des bénéfices de l’incinération, que certains vont même jusqu’à considérer cyniquement comme une énergie « renouvelable ».(4)

La politique de gestion des déchets actuelle de la Métropole est la conséquence directe des choix d’investissements réalisés il y a plusieurs dizaines d’années. Une fois que des équipements tels que l’incinérateur ou les réseaux de chaleur sont en place ils enferment la collectivité dans le système en place a minima le temps de leur amortissement. La Métropole de Toulouse est dépendante de l’incinérateur pour fournir de la chaleur à un grand nombre de logements et ne peut donc pas se permettre de trop diminuer la quantité de déchets incinérée. (5)

Questions/Réponses autour de l’incinérateur

Le sujet de l’incinérateur est vaste et soulève de nombreux problèmes. Nous ne les aborderons pas tous ici, nous travaillons actuellement sur un rapport qui reviendra en détail sur tous ces sujets. Nous souhaitons quand même aborder rapidement les sujets qui reviennent le plus fréquemment lorsque l’on parle de l’incinérateur :

– Si on supprime l’incinérateur, qu’est ce qu’on va faire des déchets ?
L’incinérateur est indispensable à l’heure actuelle pour traiter les déchets des Toulousains. Mais il est tout à fait possible de diminuer largement et rapidement la production de déchets et donc la capacité de traitement de l’incinérateur, de nombreuses agglomérations l’ont déjà fait en France et en Europe et surtout c’est une obligation inscrite dans la loi !

– Mais l’incinérateur sert aussi à chauffer des logements, comment va-t’on faire s’il est fermé ?
Il est possible de diviser la capacité de l’incinérateur par 2 sans remettre en question l’alimentation du réseau de chaleur, en ajoutant éventuellement une chaufferie biomasse si nécessaire. Si l’incinérateur est fermé complètement, il faudra mettre en place plusieurs solutions complémentaires : la rénovation énergétique des bâtiments pour économiser de la chaleur, la méthanisation des biodéchets collectés séparément pour alimenter le réseau de gaz de ville, une ou plusieurs chaufferies biomasse…

– Et comment vont faire les autres collectivités qui n’ont pas d’incinérateur ?
Le principe de solidarité impose effectivement de mutualiser des moyens de traitement de déchets comme l’incinérateur entre plusieurs territoires proches. Mais l’incinérateur de Toulouse est largement surdimensionné par rapport aux besoins de traitement de l’agglomération, au point que tous les déchets des Hautes-Pyrénées y sont actuellement incinérés ! Quelle logique y a-t-il à faire venir des milliers de camions remplis de déchets de toute la Région pour les faire incinérer en pleine agglomération Toulousaine, à proximité d’habitations, d’écoles, d’équipement sportifs ?

– On n’est plus dans les années 80, les incinérateurs ont évolué et ils ne polluent plus maintenant !
Les industriels ont effectivement investi pour diminuer la pollution due aux incinérateurs, poussés par la réglementation et à cause des scandales sanitaires soulevés par les riverains et les associations de défense de l’environnement. Mais les incinérateurs continuent à polluer et les normes continuent à évoluer, c’est bien pour cela que 50 millions d’euros vont être investis prochainement dans l’incinérateur de Toulouse pour le mettre aux nouvelles normes d’émission d’oxydes d’azote.

– Mais au final quel est vraiment le problème avec l’incinérateur ?
Au-delà de tous les aspects soulevés précédemment, la question de fond est celle de la soutenabilité de nos sociétés. Peut-on se permettre de continuer à gaspiller des ressources non renouvelables en les détruisant par incinération et en diminuant ainsi inexorablement le capital matériel disponible pour les générations futures ? L’exemple des biodéchets est le plus symbolique. Nous envoyons à l’incinération de la matière organique composée principalement d’eau et de nutriments tirés de sols agricoles qui vont en s’appauvrissant et que l’on gave d’engrais chimiques issus de ressources minérales non renouvelables provenant d’autres pays.

Modalités de la concertation

La lettre de mission des garants nommés par la CNDP pour s’assurer du bon déroulement de la concertation publique précise que celle-ci (6) permet de débattre :

  • De l’opportunité, des objectifs et des caractéristiques du projet ;
  • Des enjeux socio-économiques qui s’y attachent ainsi que de leurs impacts significatifs sur l’environnement et l’aménagement du territoire ;
  • Des solutions alternatives, y compris pour un projet, de l’absence de mise en œuvre ;
  • Des modalités d’information et de participation du public après concertation préalable.

Le programme actuel de concertation tel qu’il est prévu par DECOSET devrait se dérouler entre septembre et novembre 2022 et comporterait les dispositifs de concertation suivants :

  • 2 réunions publiques d’information ;
  • 2 réunions thématiques publiques ;
  • 11 « débats mobiles » ;
  • 4 ateliers de concertation (40 personnes – groupe citoyen tiré au sort).

Nous nous mobiliserons en amont et au cours de la période de concertation afin de nous assurer que le message de prévention et réduction des déchets sera bien porté et ainsi essayer d’éviter, comme il est à craindre, que l’incinérateur ne soit reconstruit à l’identique, empêchant toute réelle politique de réduction des déchets pendant encore des dizaines d’années.

Une occasion à saisir

La fin de vie de l’incinérateur constitue une opportunité unique de revoir la politique de gestion des déchets de la Métropole et sa dépendance envers l’incinérateur. C’est également l’occasion de se rendre compte du coût réel de l’incinération et des montants alloués à la prévention des déchets qui sont ridiculement faibles en comparaison, alors même qu’ils montrent des résultats réels et qu’ils devraient être la priorité de la Métropole.

La Métropole de Toulouse n’a pas pris le virage de la prévention des déchets. A l’heure de l’urgence climatique, elle ne peut plus se permettre des demi-mesures et doit agir de manière massive pour réduire ses déchets. Elle ne peut surtout pas se permettre d’investir des centaines de millions d’euros dans une unité de traitement dont elle deviendrait dépendante pendant encore des dizaines d’année. La production des déchets n’est pas une fatalité et leur prévention ne devrait plus être le parent pauvre mais bien le cœur de la politique de gestion des déchets de la Métropole.