Lucie Wulfran, 14 ans et stagiaire de 3e chez Zero Waste Toulouse pour une semaine, nous présente dans cet article les différents enjeux concernant les protections menstruelles jetables, leur histoire et leurs alternatives réutilisables plus saines et écologiques.
Dans le cadre de la semaine “Parlons règles”, organisée par le Service Interuniversitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé (SIMPPS) et l’Université Toulouse Jean Jaurès, de nombreux ateliers et activités thématiques ont été proposés aux étudiants de l’université. Du 16 au 20 octobre, Zero Waste Toulouse et d’autres structures comme le SIMPPS ou EndoFrance se sont mobilisées pour briser les tabous et libérer la parole autour des règles.
Les interventions
La première de ces interventions s’est déroulée le lundi 16 octobre dans le hall du restaurant universitaire du CROUS. De 12h à 14h, des membres de Zero Waste Toulouse et des Etudiant·es Relais Santé (ERS) du SIMPPS se sont relayé·es pour sensibiliser à la réduction des déchets autour des protections menstruelles.
En effet, les protections menstruelles jetables (serviettes, tampons) ont un cycle de vie problématique pour les écosystèmes et la santé humaine :
- Par exemple, elles sont composées de plastique/polyester (dérivés du pétrole), de coton (nécessitant de grandes quantités d’engrais, de pesticides et d’eau) et de viscose (matière première semi-synthétique).
- De plus, ces protections ne sont pas recyclables, elles sont donc une source de pollution de l’air quand elles sont incinérées, des océans et des sols si elles sont jetées dans la nature.
- Par ailleurs, des traces de substances toxiques ont été retrouvées dans ces protections (source : ANSES). Parmi elles, on peut citer de nombreux perturbateurs endocriniens mais également des substances classées cancérogènes et toxiques (phtalate, dioxine, pesticides, hydrocarbures, etc.) en contact direct avec la peau et les muqueuses.
- Enfin, les différents composants de ces protections peuvent causer des dysfonctionnements hormonaux, des irritations, etc.
Mais du coup, c’est quoi les règles ?
Les règles sont un phénomène normal, naturel et propre à chaque personne menstruée. On appelle règles les écoulements sanguins que les personnes menstruées vivent chaque mois pour une durée allant de 3 à 7 jours, ce dès la puberté et jusqu’à la ménopause. Elles sont provoquées par le détachement du surplus de muqueuse utérine et l’évacuation de celui-ci par le vagin.
Un peu d’histoire
Durant le café menstru qui s’est déroulé le mercredi 18 octobre au Centre de Ressources et de Langues de l’Université Toulouse Jean Jaurès, nous avons pu aborder l’histoire des protections menstruelles ainsi que les différents enjeux liés à celles-ci. De 12h30 à 14h, Zero Waste Toulouse et le SIMPPS ont pu échanger sur ces différents sujets avec les étudiant·es.
L’histoire des protections menstruelles industrielles jetables commence à la fin du XIXe siècle avec un succès mitigé. C’est après la Première Guerre mondiale (vers 1920) que les fabricants de compresses (normalement destinées au soin des soldats blessés) se retrouvent avec beaucoup trop de stock sur les bras et décident alors de vendre ces compresses aux personnes menstruées en guise de protections menstruelles jetables (pour la petite histoire, ils en profitent aussi pour en faire des mouchoirs jetables avec des publicités qui rendent également honteux et archaïque le fait d’utiliser du réutilisable !).
Pour encourager l’utilisation de protections jetables à une époque où les protections réutilisables faisaient l’unanimité car plus économiques, les industriels ont fait preuve d’imagination en matière de marketing et de sensibilisation, ces stratégies relèvent du “capitalisme menstruel” (source : Jeanne Guien dans Causette magazine). En mettant l’accent sur l’innovation, l’hygiénisme et le côté pratique du jetable, les industriels – majoritairement des hommes – réussissent à renverser la tendance… tout en contribuant à rendre les règles encore plus taboues et honteuses.
Autour des années 30, la marque Tampax est créée : elle commercialise les premiers tampons jetables. Il est bon de rappeler qu’aborder le sujet des protections menstruelles est très tabou pour l’époque. Par exemple, l’interdiction des publicités de protections hygiéniques à la télévision n’est levée qu’en 1972 en Europe et aux États-Unis (1980 en Angleterre) et les premières publicités diffusées sur les protections jetables sont très encadrées : elles ne montrent pas de sang (d’où le liquide bleu…) et il faut respecter certains horaires d’audience. Pour récupérer leurs protections en magasin en toute discrétion, les personnes menstruées pouvaient découper un “ticket silencieux” dans les magazines à remettre à la caisse. Sans dire un mot, on leur donnait l’objet tant controversé, soigneusement emballé dans un emballage opaque pour en dissimuler le contenu.
Pour couronner le tout, le coton utilisé dans ces protections était blanchi au chlore (aujourd’hui remplacé par des agents chlorés).
Lors de l’atelier du vendredi 20 octobre qui s’est déroulé à la maison de la solidarité, nous avons pu traiter des enjeux liés à l’utilisation des protections menstruelles et distribuer des échantillons.
De 10h à 12h, Zero Waste Toulouse et des étudiantes ont pu argumenter sur ces différentes thématiques sous forme de débats en équipe. Cette confrontation d’idées a permis de reprendre tous les points de cet article et de se préparer la sensibilisation d’autres personnes.
Les solutions alternatives
Il existe des alternatives réutilisables, lavables et durables à ces protections jetables :
• Les serviettes lavables : protection externe en tissu généralement de fibres naturelles et ont une durée de vie allant de 5 à 10 ans.
Conseil d’utilisation : rincer à l’eau froide puis laisser sécher à l’air libre avant lavage en machine. S’utilise comme une serviette menstruelle jetable.
• Les culottes menstruelles : protection externe en tissu généralement de fibres naturelles et ont une durée de vie allant de 5 à 10 ans.
Conseil d’utilisation : rincer à l’eau froide puis laisser sécher à l’air libre avant lavage en machine. Conçues pour être gardées 12h (journée, nuit).
• La coupe menstruelle : protection interne souple (silicone médical ou latex) et a une durée de vie allant de 5 à 10 ans.
Conseil d’utilisation : stériliser dans l’eau bouillante quelques minutes en début et fin de chaque cycle. Se change toutes les 4 à 6 heures selon le flux.
Ces protections menstruelles sont plus écologiques, plus saines et plus économiques à long terme.
Quelques chiffres
Source : kakémono “Les protections menstruelles jetables”, réalisé par les ERS et Zero Waste Toulouse et des cartes “Quizz sur les règles” réalisées par Zero Waste Toulouse
- Une personne menstruée utilise 10 000 à 15 000 protections au cours de sa vie
- 45 milliards de protections sont jetées chaque année dans le monde
- 8 millions de personnes menstruées dans le monde souffrent d’irritations intimes
- Dans sa vie, une personne menstruée dépense entre 2 000 et 2 500 euros pour les protections menstruelles
- Il faut 500 ans pour qu’une protection menstruelle se dégrade dans la nature
- Les protections menstruelles occupent la 5e position des déchets les plus répandus sur les plages
- 30 % de personnes menstruées sont victimes de précarité menstruelle