Les Déchets Ménagers et Assimilés (DMA) sont collectés par le service public de gestion des déchets des collectivités et correspondent à l’ensemble des déchets produits par les ménages et les petites entreprises. Cela inclut les Ordures Ménagères Résiduelles (la poubelle grise), les déchets triés séparément (emballages, biodéchets, verre, textiles) ainsi que ceux amenés en déchèterie.
Nous allons voir dans ce nouvel article où se situe la région Occitanie par rapport aux autres régions en termes de production de déchets ménagers et quels sont les bons et les mauvais élèves parmi les collectivités qui assurent la collecte et le traitement de ces déchets sur le territoire.
Situation
3,7 millions de tonnes de DMA ont été produites en 2019 par les 5,9 millions d’habitant-es de la région, soit 621 kg/hab./an. Avec ces chiffres, l’Occitanie se situait en 2019 à la 8ème position parmi les 13 régions métropolitaines, au-dessus de la moyenne française qui était de 582 kg/hab./an cette année là.
Comme on peut le voir sur la figure suivante, la répartition des DMA par type de déchets est très proche de la moyenne française. La majeure partie est constituée des Ordures Ménagère Résiduelles (OMR, 43%), puis les déchets recyclables (21%) qu’ils soient collectés (poubelle jaune ou bleue) ou apportés en déchèteries. Le tout-venant, les déchets verts et biodéchets ainsi que les déblais et gravats sont pour l’essentiel collectés en déchetteries et représentent des quantités équivalentes, autour de 12% du total chacun.
Cette répartition n’est cependant pas identique pour chaque région. Ainsi la production de déchets verts est directement dépendante du climat local et notamment de la pluviométrie, elle est logiquement plus importante sur le littoral Atlantique et en particulier en Bretagne (163 kg de déchets verts/hab./an) que sur le pourtour méditerranéen (58 kg de déchets verts/hab./an en Corse).
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la quantité de DMA par habitant-e produite n’est donc pas un bon indicateur de la quantité d’ordures ménagères résiduelles. La Bretagne qui est la 3ème région qui produit le plus de DMA par habitant est ainsi la 3ème région produisant le moins d’OMR par habitant-e. Par contre l’Ile-de-France, qui est la région française produisant le moins de DMA par habitant est la 3ème région qui produit le plus d’OMR par habitant-e !
L’Occitanie est la 4ème région produisant le plus d’OMR par habitant-e avec 268 kg/hab./an en 2019, là encore au-dessus de la moyenne française (248 kg/hab./an). Ce sont au total 1.6 millions de tonnes d’OMR qui ont été produites sur l’ensemble de la région Occitanie en 2019 et envoyées principalement en incinération (49%), en enfouissement (34%) et en unité de tri-mécano-biologique (16%).
Impact du tourisme
Le tourisme est souvent invoqué pour expliquer les quantités importantes d’OMR produites par habitant-e sur les territoires avec les moins bonnes performances comme la région PACA ou la Corse. En effet, les ratios de production de déchets sont généralement calculés par habitant-e permanent-e alors que les touristes viennent apporter des déchets « supplémentaires » sur un territoire, cet argument semble donc parfaitement logique.
Le nombre de lits touristiques par habitant-e permanent-e est un indicateur souvent utilisé afin de donner une idée de la capacité d’accueil des touristes sur un territoire. Il prend en compte le nombre de résidences secondaires, de chambres d’hôtels ainsi que d’emplacements dans les campings. La figure suivante montre la superposition de 2 courbes : la production d’OMR par habitant-es (en bleu) avec le nombre de lits touristiques par habitant-es (en vert).
On peut voir que la Corse est la région française disposant de la plus importante capacité d’accueil touristique rapportée à sa population permanente avec 1.65 lits touristiques par habitant-e. C’est également la région avec la plus importante production d’OMR par habitant-e, 406 kg/hab./an. La corrélation entre ces deux indicateurs est, par contre, plutôt mauvaise sur les autres régions. La région Ile-de-France est ainsi celle avec le nombre de lits touristiques par habitant-e le plus faible (0.12) mais avec la 3è production d’OMR par habitant-e. Les régions Normandie, Hauts-de-France et Nouvelle Aquitaine ont, elles, des quantités d’OMR par habitant-e très proches (respectivement 249, 242 et 233 kg/hab./an) mais des nombres de lits touristiques par habitant très différents (respectivement 0.33, 0.13 et 0.46 lits touristiques par habitant-e).
Impact de l’habitat collectif
La typologie d’habitat est elle aussi régulièrement mise en avant pour justifier des écarts de production de déchets entre les territoires. En effet, les habitant-es en logement collectif produisent généralement plus de déchets que ceux résidant en maisons individuelles, pour différentes raisons : les modes de consommation sont différents entre ville et campagne, les possibilités de réduire ses déchets sont plus limitées en ville (manque de place pour composter notamment), les consignes de tri et modes de collecte sont variables, la proportion de locataires est plus importante en collectif, l’anonymat accentué dans les grands collectifs peut amener un moindre sentiment de responsabilité individuelle, …
Si on superpose cette fois-ci le taux d’habitat collectif (la proportion de ménages habitant en appartement) au ratio d’OMR par habitant-e, on obtient la figure suivante.
On note effectivement une tendance à une augmentation de la quantité d’OMR produite par habitant-e lorsque le taux d’habitat collectif augmente. La région PACA par exemple est la deuxième région avec le plus fort taux d’habitat collectif (59%) et est également le deuxième producteur d’OMR par habitant avec 369 kg/hab./an.
La corrélation n’est cependant pas parfaite là non plus, avec des régions avec un fort taux d’habitat collectif qui produisent pourtant des quantités d’OMR par habitant-e « relativement faible » si on les compare à des régions similaires. Le cas de l’Ile-de-France est particulièrement net, mais la région Auvergne-Rhône-Alpes également, qui a un taux d’habitat collectif (49%) équivalent à celui de la Corse (47%) mais qui produit quasiment 2 fois moins d’OMR par habitant (225 kg/hab./an contre 406 kg/hab./an).
Impact de la tarification incitative
En France, le service de gestion des déchets ménagers par les collectivités est financé en majorité (69%) par la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) et, dans une moindre mesure (29%), par la Redevance d’Enlèvement des Ordures Ménagères (REOM). Ces modes de financement ont pour défaut principal de ne pas intégrer la quantité de déchets produites par les habitant-es, la TEOM étant en effet indexé sur la valeur foncière de l’habitation où sont produits les déchets.
Afin d’inciter à la réduction des déchets, le gouvernement encourage les collectivités à mettre en place une tarification incitative des déchets qui consiste à intégrer la quantité de déchets produite dans le montant de la taxe ou redevance à payer par l’usager du service de collecte. La loi de transition énergétique de 2015 fixait ainsi des objectifs de 15 millions de Français-es couvert-es par une tarification incitative en 2020 (soit 22% de la population) et 25 millions en 2025 (1).
Il est aussi possible dans ce cas de superposer pour chaque région le taux de couverture de la population par une tarification incitative avec la production d’OMR par habitant-e.
On observe bien, cette fois-ci, une corrélation inverse entre le taux de déploiement de la tarification incitative et la quantité d’OMR produite par habitant-e. Autrement dit, plus la TI est déployée de manière large sur le territoire et plus la quantité d’OMR par habitant-e est faible.
Seules 3 régions avaient atteint l’objectif de 22% de leur population couverte par la tarification incitative en 2020 (Pays de la Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est), ces 3 régions étaient également parmi celles produisant le moins d’OMR par habitant-e (<210 kg/hab./an). Inversement les 3 régions produisant le plus d’OMR par habitant (Corse, PACA, Ile-de-France) sont aussi celles avec le plus faible taux de couverture par la TI (< 1%).
Il convient tout de même de noter que la tarification incitative vient généralement en complément d’autres politiques de réduction des déchets et n’est pas la seule raison permettant d’expliquer ces faibles niveaux de production d’OMR. De plus la tarification incitative est généralement plus complexe à déployer sur certains territoires, en particulier ceux avec un fort taux d’habitat collectif et également une plus forte affluence touristique, toutes les régions ne sont donc pas égales en termes de facilité de déploiement sur leur territoire.
Malgré tout, afin d’atteindre les objectifs réglementaires de déploiement de la TI inscrits dans la loi, la plupart les régions se sont fixées des objectifs de taux de couverture par la TI sur leur territoire à l’horizon 2025 que bien peu semblent en capacité d’atteindre.
Taux de couverture TI et objectif 2025 (Source : Etude CEPOM CITEO 2022)
La collecte des Ordures Ménagères Résiduelles (OMR)
Les communes n’ont plus la possibilité d’assurer seules la collecte des déchets sur leur territoire et ont l’obligation de se regrouper en intercommunalités pour réaliser ce service, sous la forme d’Etablissements Public de Coopération Intercommunale (Communautés de Communes, Communautés d’Agglomération, Communauté Urbaine, Métropole ou Syndicat Intercommunal). Il existe 146 intercommunalités en charge de la collecte des OMR sur la région Occitanie, 117 EPCI et 29 syndicats.
La production d’OMR par habitant-e dans chacun des EPCI à compétence collecte de la région est représentée sur la carte suivante. Les EPCI produisant plus que la moyenne régionale (en rouge sur la carte) sont situés principalement dans les zones touristiques : massif pyrénéen, littoral méditerranéen et Cévennes.
Production d’OMR par EPCI en Occitanie (Source : Sinoe ADEME)
Les Poubelles d’Or
Les 3 EPCI produisant le moins d’OMR par habitant étaient en 2021 la Communauté d’Agglomération du SICOVAL en Haute-Garonne (145 kg/hab./an), la Communauté de Communes Adour Madiran dans les Hautes-Pyrénées (153 kg/hab./an) et la Communauté de Communes du Pays d’Uzès dans le Gard (176 kg/hab./an).
Les deux premières collectivités de ce classement sont particulièrement intéressantes car elles ont suivi des trajectoires d’évolution similaires, ayant toutes les deux mises en place la redevance incitative récemment, 2016 pour le SICOVAL et 2019 pour la CC Adour Madiran. Cette politique incitative a contribué à une réduction importante de leur production de déchets mais qui avait commencé bien avant dans les deux cas, la CC Adour Madiran ayant même divisé sa production d’OMR par deux entre 2005 et 2020.
La CC du Pays d’Uzès est à part dans ce classement car la majeure partie de son territoire est en réalité collectée par le syndicat SICTOM de la Région d’Uzès. Seule 8 communes sur 34 sont collectées en régie par la communauté de communes, leur typologie rurale permettant alors d’expliquer les bons résultats obtenus.
Même si les performances de ces collectivités sont plutôt bonnes comparées au reste du territoire régional, il convient de les relativiser au regard des résultats affichés par les autres régions françaises. En effet une étude de Zero Waste France de 2017 (2) recensait à cette date 91 collectivités produisant moins de 150 kg d’OMR par habitant-e et par an mais aucune en Occitanie, ce nombre ayant dû encore augmenter depuis. 18 EPCI produisaient même moins de 100 kg/hab./an d’OMR dans les régions Bretagne, Pays de la Loire, Grand Est, Bourgogne Franche Comté et Auvergne Rhône Alpes.
L’étude de Zero Waste France concluait que la principale raison des faibles niveaux de production d’OMR sur ces territoires était la Tarification Incitative qui était déployée dans 97% des territoires produisant moins de 150 kg d’OMR par habitant-e et par an.
Les Poubelles de Plomb
Les 3 EPCI produisant le plus d’OMR par habitant-e en 2021 sont le SMROM de Font-Romeu dans les Pyrénées-Orientales (576 kg/hab./an), la Communauté de Communes Terres de Camargue dans le Gard (567 kg/hab./an) et la Communauté de Communes Aure Louron dans les Hautes-Pyrénées (531 kg/hab./an).
Ces EPCI sont tous les trois de typologie très touristique avec un faible nombre d’habitant-es permanent-es et un très fort afflux de touristes en haute saison, leur population pouvant être multipliée entre 5 et 10 fois à cette période. Les ratios d’OMR étant ramené aux habitant-es permanents, cela peut donc expliquer ces niveaux très élevés, que l’on retrouve sur tous les territoires fortement touristiques.
Il est cependant possible, là aussi, de relativiser ces résultats en comparant avec d’autres territoires de typologie similaire. Ainsi la CC du Guillestrois au Queyras dans les Hautes-Alpes, par exemple, présente des caractéristiques semblables à la SMROM de Font-Romeu ou la CC Aure Louron en termes de nombre d’habitant-es permanents et de lits touristiques, mais avec des quantités d’OMR par habitant-e au moins 35% plus faible (346 kg/hab./an).
Pour arriver à atteindre ces résultats, la CC a mis en place de nombreuses actions pour réduire ses déchets à travers notamment le plan de prévention des déchets du syndicat de traitement SMITOMGA auquel elle est adhérente. A l’inverse, aucun des trois EPCI les plus mauvais d’Occitanie n’a mis en place de plan de prévention des déchets (PLPDMA) alors que ceux-ci sont pourtant obligatoires depuis 2012.
Conclusion
La région Occitanie montre globalement des niveaux de production de déchets plus élevés que la moyenne française, que ce soit en termes d’OMR ou de DMA. Le tourisme et la densité d’habitation sont souvent invoqués pour expliquer des productions de déchets importantes sur un territoire, mais c’est surtout le retard pris dans le déploiement de la tarification incitative qui explique cet écart avec des régions plus avancées comme la Bretagne ou la région Bourgogne-Franche-Comté. Au niveau des collectivités en charge de la collecte des déchets on retrouve également des différences de niveaux importantes, puisque, malgré les efforts qu’elles ont fournis, en particulier le déploiement de la redevance incitative, les collectivités les plus exemplaires de la Région, le SICOVAL et la CC Adour Madiran, sont encore loin des collectivités françaises les plus avancées en la matière.