Félicie Taillefer, 17 ans et bénévole à Zero Waste Toulouse au pôle Wiki, nous présente dans cet article sa relation à la mode, sa prise de conscience de l’impact sur l’environnement de cette industrie, et nous livre ses conseils et alternatives pour une garde-robe plus durable.
Avant de parler de fast-fashion, je voudrais préciser que ma relation avec la mode est bel et bien réelle ; depuis toute petite j’ai toujours pris du plaisir à m’habiller et j’ai la sensation que mon style vestimentaire a permis la construction de mon identité ou ma personnalité.
Déjà petite, je passais de nombreuses heures devant mon miroir, collectionnais les magazines de mode et je « piquais » les habits de ma mère pour me confectionner des tenues sur-mesure. Les vêtements que je portais m’ont tout d’abord étaient imposés puis, en prenant de l’âge j’ai pu commencer à les sélectionner. C’est ainsi que mon style vestimentaire est devenu un moyen pour ressembler aux autres petites filles, puis une façon de me distinguer d’elles en créant mon propre style, mon identité. En grandissant, j’ai été constamment en proie à des envies de nouveautés dans ma garde-robe et avec le recul je réalise que c’était déjà certainement en grande partie les effets des techniques de marketing de la fast fashion qui me laissaient croire que si je n’avais pas le dernier article à la mode, je serais moins jolie. J’ai pris conscience que l’industrie de la fast fashion et de la mode en général n’avait qu’un seul objectif : nous persuader que nous avons besoin de ces vêtements et que les posséder nous apportera une grande satisfaction et un peu plus de bonheur.
Mais du coup la fast-fashion, c’est quoi ?
L’idée de la fast -fashion est de produire rapidement, fréquemment et à bas prix des micro-tendances vues sur les défilés pour les rendre accessibles au grand public. Contre les 4 collections traditionnelles par an, la fast-fashion peut nous en offrir jusqu’à 36, voire même plus !
Ainsi, le but d’inciter le consommateur à augmenter sa garde-robe continue sans prendre en considération l’impact environnemental et social de ce mode de consommation.
Mais c’est en grandissant et en devenant de plus en plus sensible à l’écologie et à la préservation de notre environnement, que j’ai réellement pu changer mon regard et mon comportement vis-à-vis de la mode. Pour dire vrai, ce ne fut pas si difficile, et c’est pour cela que je souhaite partager mon expérience.
Au départ, bien sûr, pour changer ma façon de m’habiller, j’ai dû faire face à la triste réalité de la mode et à tout ce qui se cache derrière ses publicités mensongères. L’étape de la découverte de ces chiffres alarmants a été dure mais nécessaire dans ma transition. Cette prise de conscience a précédé des découvertes et des étapes importantes :
- Dénicher dans les armoires de mes grand-mères, ma mère ou mes tantes des vieilles fringues qui avaient traversé les époques et les modes ;
- Le plaisir que cette démarche peut procurer car ces vêtements sont bien plus beaux, de meilleure qualité, et intéressants à porter ;
- Et surtout développer ma créativité et apprendre à up-cycler…
Ainsi tout ceci a ouvert la porte à un changement radical dans ma façon de m’habiller qui me correspond mieux. Je ne suis pas entrée dans la « mode écolo » par devoir ou par contrainte, ce fût une véritable et agréable découverte. Sur ce chemin j’ai également compris quelque chose de fondamental ; le caractère circulaire de la mode et le fait que ce qui était à la mode il y a 20 ans le redevient. Par exemple, j’ai trouvé dans le dressing de ma grand-mère une vieille chemise rose en lin, un peu courte que j’ai tout de suite adorée et récupérée, et cet été 2020, la même chemise était dans toutes les enseignes de la fast-fashion, en beaucoup moins qualitative bien sûr ! Et dans cette logique vertueuse, j’aurais aussi la joie de peut-être voir mes enfants porter mes vêtements…
J’ai aussi compris qu’il fallait surtout faire des choix sur des articles de grande qualité et surtout savoir les reconnaître : tissus, matières, fabrication française ou européenne, style indémodable, sont autant d’attributs nécessaires pour que les vêtements durent, passent les époques et donc nous évitent d’en racheter tout en gardant le plaisir de les porter.
Quelques chiffres issus de « Le guide de résistance à la fast fashion » de Zero Waste France :
- La mode émet 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre chaque année. Son impact est plus important que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. En 2050, le secteur textile émettrait même 26 % des émissions globales de gaz à effet de serre si les tendances actuelles de consommation se poursuivent.
- 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde tandis que nous portons nos vêtements deux fois moins longtemps qu’il y à deux ans.
Tous les chiffres de la Fast-Fashion sur le papier donnent le tournis et l’impression que le problème est insurmontable mais, il faut comprendre (comme toujours dans les problèmes que l’on cause à l’environnement) que les consommateur·rices et donc moi jouent un rôle primordial : il s’agit de prendre conscience que tout commence dans mon dressing…
Voici depuis ma prise de conscience toutes les bonnes alternatives que j’ai mises en place pour éviter au maximum les achats de vêtements neufs, ce n’est pas exhaustif puisque ce sont mes habitudes :
- Faire un dressing commun avec mes bonnes copines, ma mère et mes sœurs : permet de se faire plaisir en faisant tourner les vêtements dont l’usage est optimisé ;
- Allonger la durée de vie des vêtements en en prenant soin ;
- Retoucher et upcycler les vêtements que j’ai déjà ;
- Acheter en friperies c’est bien moins cher et on a de bonnes chances de tomber sur des pépites. Celles dans lesquelles je me rends à Toulouse : Jet-Rag Vintage (au 3, rue Cujas), Kilostock (au 18, rue Peyrolières) et ma favorite à Toulouse Sybarite Vintage (située au 15 Rue Sainte-Ursule) ;
- Acheter modérément sur les plateformes de vide dressing comme Vinted, Videdressing.com ou Vestiaire Collectif. Mais attention au piège : il faut rester dans une consommation sobre, uniquement ce dont on a réellement besoin. En effet, ne pas abuser de ces achats est important car en plus des problèmes généraux liés à l’achat en ligne, il s’agit aussi de ne pas utiliser l’argent engendré par la vente des vêtements pour s’en racheter des nouveaux… sinon on reste dans de la surconsommation.
Ce qui m’amène à préciser le point le plus important et central de la démarche : la sobriété. J’ai décidé d’acheter uniquement les vêtements dont j’ai vraiment besoin (il y en a donc très peu par saison !), et je me sens heureuse de n’avoir que quelques vêtements (que j’aime vraiment, qui « entrent » dans ma vie) dans mon dressing, car je sais que je participe ainsi à une démarche utile et nécessaire à la préservation de notre environnement.
Et si je dois vraiment acheter du neuf, j’applique ces quelques principes :
- Toujours favoriser les marques respectueuses de l’environnement et des humains mais en faisant très attention à tous les faux labels et les marques qui font du greenwashing. Citons par exemple certaines marques comme H&M avec sa collection Conscious qui prône des valeurs écologiques et un style écoresponsable. Ce ne sont en réalité que des opérations de marketing et les engagements environnementaux, les actions ainsi que les produits ne sont pas du tout à la hauteur de cette communication.
- Me fier à quelques labels : Ecolabel européen (qui nous assure que notre jean n’ a pas eu recours au sablage, technique très polluante ) Demeter, GOTS, Ecocert textile ;
- Utiliser des applications qui donnent des infos sur les marques : Good on You qui permet de vérifier si telle ou telle marque est éco-responsable (respect de la faune et de la flore, conditions de travail, matières écolos) ou non. On peut utiliser également l’application Clear Fashion qui scanne les vêtements et permet de connaître en direct leur degré éthique, avec une note allant de 0 à 100.
- Choisir des bonnes matières : le lin (avec sa nouvelle filière Made In France), le chanvre ou le coton écologique, favoriser la viscose et le lyocell (des fibres artificielles mais obtenues à partir de ressources naturelles telles que la cellulose de bambou, maïs, eucalyptus) qui sont des alternatives au coton et au polyester.
Je reconnais que ce n’est pas facile dans le monde d’aujourd’hui, surtout pour nous, les jeunes qui sommes impacté·es par les influenceur·euses et les réseaux sociaux, de résister. Collectivement on doit revenir à l’essentiel et comprendre que ces marques et ces influenceur·euses nous maintiennent dans une forme d’insatisfaction permanente pour nous pousser à acheter toujours plus.
Ne nous associons pas à une dimension où tout est éphémère et jetable car comme le disait Yves Saint Laurent : « S’habiller est un mode de vie », … c’est donc durable et pour la vie !
Félicie Taillefer, 17 ans et bénévole à Zero Waste Toulouse au pôle Wiki