En clôture de la Semaine Européenne de Réduction des Déchets, notre association a organisé avec le pôle ESS des Herbes Folles la première édition de la SERD Folle le samedi 29 novembre 2025.
Dans un contexte marqué par les élections municipales prévues en mars, nous avons réuni plusieurs acteur·ices de la prévention des déchets, du réemploi et de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS)* à l’occasion de cette journée qui a débuté par une table ronde riche en échanges. L’objectif de ce rendez-vous : interroger le rôle clé des collectivités locales dans la réduction des déchets et mettre en lumière des leviers d’action concrets, déjà existants ou à déployer.
Nous remercions chaleureusement Chloë Dumas, responsable de la mobilisation citoyenne auprès des groupes locaux pour Zero Waste France, et Antoine Sanouillet, coordinateur du Réseau des ressourceries et recycleries d’Occitanie (RRROc), qui ont joué le jeu de cette table ronde animée par notre coordinatrice Anne-Fleur Hug.
Un grand merci également aux structures qui ont proposé des stands et des ateliers l’après-midi – Ma Bibliothèque d’Objets, En Boîte le Plat, Ressourçons-nous à Mirail U, Arts en Acte – ainsi qu’au public présent lors de cette rencontre et aux bénévoles mobilisé·es en nombre pour cette journée !
*L’Économie Sociale et Solidaire (ESS) désigne un mode d’entreprendre qui cherche à concilier activité économique et utilité sociale. Elle repose sur des principes de solidarité, de coopération, de démocratie, et de primauté de l’humain sur le profit. Pour plus de détails, cliquez ici.
Les structures présentes
Avant de débuter les échanges de la table ronde, une rapide présentation des structures présentes a été réalisée :
Lilas a rappelé le rôle de notre association Zero Waste Toulouse dans la sensibilisation du grand public mais aussi des acteurs locaux, publics et privés, à la réduction des déchets et des gaspillages.
Le projet du tiers-lieu des Herbes Folles a été présenté par Elie qui a rappelé l’historique de ce projet lauréat de l’Appel à projets de l’ESS reconnu Pôle Territorial de Coopération économique. Le pôle ESS des Herbes Folles regroupe actuellement plus d’une douzaine de structures rassemblées autour des thématiques de l’économie circulaire, de l’emploi et de la culture.
Le Réseau des ressourceries et recycleries d’Occitanie (RRROc) créé en 2018 défend et promeut le réemploi solidaire. Au début de la table ronde, Antoine a souligné l’importance du lien avec les collectivités, mais aussi une tendance préoccupante : le désengagement progressif des collectivités au profit des éco-organismes, notamment depuis la loi AGEC de 2020 (Anti Gaspillage pour une Économie Circulaire). C’est pourquoi l’enjeu central du plaidoyer du RRROc réside aujourd’hui dans la distinction entre réemploi solidaire et réemploi lucratif. Là où les ressourceries qui sont associations d’intérêt général collectent sans distinction pour répondre à des missions sociales et environnementales, les entreprises lucratives ciblent les objets les plus rentables. Une confusion croissante dans l’esprit du grand public, qui appelle à être clarifiée, en particulier dans le débat municipal.
Chloë Dumas, pour Zero Waste France, a rappelé les 4 missions principales du réseau :
- le plaidoyer auprès des pouvoirs publics pour inciter les politiques publiques à tendre vers davantage de zéro déchet et zéro gaspillage ;
- l’action juridique face aux non-respects réglementaires ;
- l’information et la sensibilisation ;
- l’accompagnement des acteur·ices locaux.
Zero Waste France fédère aujourd’hui 80 groupes locaux, au cœur des dynamiques territoriales.
Pour ouvrir cette table ronde, Anne-Fleur a rappelé l’ambition de notre association et du réseau Zero Waste dans cette période cruciale pré-électorale : sensibiliser les futur·es élu·es aux objectifs qu’ils et elles pourraient fixer en matière de prévention des déchets à l’échelle communale, mais aussi métropolitaine car le conseil de Toulouse Métropole est majoritairement composé d’élu·es issu·es du conseil municipal de Toulouse.
Pourquoi l’exemplarité des collectivités est indispensable ?
Anne-Fleur a posé un constat partagé : si 8 Français sur 10 identifient des problèmes environnementaux, seuls 8 % en font leur première source d’inquiétude (édition 2025 du baromètre des représentations sociales du changement climatique, Ademe, 2025)
Pourtant, la majorité estime que ce sont d’abord les collectivités qui ont le pouvoir d’agir, avant les individus. Une remarque souvent entendue sur les stands associatifs : « Pourquoi la pression repose-t-elle toujours sur les citoyens et citoyennes ? »
Les échanges ont permis de détailler les raisons pour lesquelles les collectivités doivent être exemplaires :
- Elles emploient de nombreux agent·es qui doivent donner l’exemple (la ville de Toulouse et Toulouse Métropole emploient 13 000 personnes). Elles peuvent aussi les former pour qu’iels deviennent des ambassadeurs et ambassadrices dans leur sphère privée et/ou qu’iels prennent de nouvelles habitudes dans le cadre professionnel (accompagner le changement de pratiques) ;
- Elles disposent de budgets alloués spécifiquement à leurs compétences décentralisées ;
- Elles gèrent des structures productrices de déchets (crèches, écoles, centres sociaux, restauration collective…) où elles peuvent diffuser les bonnes pratiques ;
- Elles organisent des événements grand public où elles peuvent donner l’exemple en supprimant le plastique à usage unique par exemple ;
- Elles impulsent des dynamiques territoriales auprès des autres acteurs et actrices : entreprises, associations, particuliers ;
- Elles attribuent des subventions, gèrent des marchés publics et apportent un soutien logistique ;
- Elles se réunissent au sein d’associations pour porter leurs voix au niveau national et peuvent donc porter une voix commune avec les initiatives de l’ESS pour opérer des changements de modèles.
Dans les échanges, il a été démontré que lorsqu’une collectivité agit concrètement (par exemple : mise en place de couches lavables en crèche, de vaisselle réemployable dans les cantines, de fontaines à eau sur l’espace public…), une adhésion des citoyen·nes s’active et facilite le passage à l’action individuelle.
Ce que la loi impose… et permet
Une question centrale a porté sur les obligations réglementaires des collectivités. Trois lois structurent aujourd’hui ces obligations :
- La loi de Transition énergétique pour la croissance verte (2015) ;
- La loi Égalim (2018) – restauration collective et cantine ;
- La loi AGEC (2020) – anti gaspillage et économie circulaire.
Parmi les obligations à respecter :
- Le tri à la source des biodéchets ;
- La lutte contre le gaspillage alimentaire en restauration collective ;
- L’interdiction de la vaisselle jetable et des bouteilles en plastique ;
- L’interdiction d’utiliser des contenants en plastique pour la cuisson, le réchauffage et le service en restauration scolaire ;
- L’installation de fontaines à eau dans les établissements recevant du public.
Au-delà de ces obligations légales, les intervenant·es ont rappelé que la gestion des déchets représente un poste budgétaire majeur pour les collectivités : prévenir et réduire, c’est aussi faire des économies d’argent public à terme. Par ailleurs, nous avons également rappelé que la loi, via la hiérarchie des modes de traitement des déchets, incite déjà à investir davantage dans la prévention et le réemploi que dans la valorisation ou l’élimination des déchets.
Subventions ou marchés publics : un choix politique
Les débats ont largement porté sur les modes de financement des actions en faveur de la prévention et de la réduction des déchets. De plus en plus, les collectivités privilégient les marchés publics, mettant en concurrence associations de l’ESS et entreprises privées. Un modèle qui fragilise les structures d’intérêt général. À l’inverse, le modèle de la subvention, notamment pluriannuelle, est apparu comme un marqueur fort de l’engagement politique d’une collectivité en faveur du tissu associatif, de la sensibilisation citoyenne et du lien social.
Comme l’ont souligné plusieurs participant·es, les acteurs lucratifs intègrent rarement un volet de sensibilisation à leurs missions, pourtant essentiel pour transformer durablement les pratiques et accompagner les particuliers mais aussi les professionnel·les.
Il a également été soulevé l’enjeu suivant : comment éviter que les grandes entreprises s’emparent de marchés structurés de longue date par des initiatives citoyennes, une fois qu’elles ont fait la preuve de leur viabilité ? C’est par exemple le cas de la consigne qui a été abandonnée à l’échelle nationale et qui, depuis peu, grâce à des initiatives locales, reprend sa place. Il nous semble essentiel de soutenir les structures qui ont défriché le terrain en défendant de nouveaux modèles d’intérêt général pour ne pas laisser la place aux modèles entrepreneuriaux classiques. Les collectivités doivent s’impliquer pour défendre avec ces acteurs et actrices de l’ESS de nouveaux modèles hybrides bénéficiant au plus grand nombre.
Retours d’expérience, ratés et réussites
Les participant·es mais aussi les membres du public ont partagé des exemples inspirants en matière de prévention et de réduction des déchets :
- La création d’espaces de réemploi en déchèterie qui favorisent la discussion entre les particuliers, les acteurs du réemploi et les agents travaillant en déchèterie ;
- Le développement de ressourceries portées ou soutenues par les collectivités ;
- La tarification incitative, dont les effets positifs s’inscrivent dans le temps avec un accompagnement à la réduction des déchets (soutien au réemploi, développement de la seconde main, alternatives aux emballages, etc.) ;
- Des politiques alimentaires repensées, comme la cuisine centrale d’Angers, conçue dès l’origine pour limiter le gaspillage et pour proposer une alimentation saine et bio.
En évoquant ces différentes expériences, il est ressorti que l’expérimentation est indispensable et que les échecs permettent d’avancer dans la mise en place d’actions en faveur de la réduction des déchets. À Barcelone par exemple, la collecte des biodéchets a été entièrement repensée après un premier échec, pour aboutir à un système aujourd’hui plus efficace.
Soutenir les initiatives citoyennes et l’ESS
La table ronde a permis d’échanger également avec des professionnelles présentes dans le public : le témoignage d’En Boîte Le Plat (association ETIC Emballages) qui met en place des contenants réutilisables consignés dans les commerces ou lors d’événements a montré combien le soutien des collectivités peut être déterminant. Elles peuvent en effet créer les conditions de réussite de certaines initiatives en mettant à disposition du matériel, des locaux, une visibilité et en mettant en réseau les acteurs du réemploi. À l’inverse, un manque de soutien peut freiner des projets pourtant matures et servant l’intérêt général.
Et nous, citoyen·nes, que pouvons-nous faire ?
La question de l’action citoyenne a conclu cette table ronde, notamment à travers le triangle de l’inaction qui a été retourné en appel à l’engagement.
Les pistes évoquées que chacune et chacun peut mettre en place :
- Parler de ces sujets au-delà de ses cercles habituels ;
- Interpeller les listes candidates, sur les réseaux sociaux ou sur les marchés de plein vent, devant la population (lorsqu’on ne se sent pas à l’aise pour débattre, on peut déjà simplement les questionner sur le sujet, ce qui permet de le faire exister) ;
- Relayer l’information sur les réseaux sociaux ;
- Participer aux évènements locaux ;
- Adhérer et soutenir les associations.
Et après ?
Cette table ronde a rappelé une évidence trop souvent oubliée : la prévention et la réduction des déchets est un projet collectif, qui ne peut réussir sans collectivités engagées, associations soutenues et citoyen·nes pleinement associé·es. À l’approche des municipales, le débat est ouvert : nous poursuivons nos actions auprès des listes candidates jusqu’au printemps.
Restez connecté·es sur nos réseaux, nous vous donnons rendez-vous en février pour une rencontre organisée par le Collectif des Associations Environnementales Toulousaines qui invitera les listes candidates aux élections municipales pour la ville de Toulouse pour discuter des enjeux environnementaux.




